Claude Miniere nous raconte De quelle fai§on Pound, a partir de sa decouverte d’la langue et de la culture chinoises, revolutionna la poesie occidentale, via sa comprehension approfondie de l’ideogramme.
L’ecriture des premiers Cantos en 1915, et des suivants tout au long de quelques decennies, aurait ete Dans les faits inconcevable sans la decouverte avec le poete exile en Europe d’la pensee a l’?uvre au sein des caracteres chinois. En 1913, la veuve du sinologue Fenollosa confie des papiers de son mari a Pound, qui en tirera un essai intitule Notre caractere ecrit chinois, materiau poetique, et un ensemble de poesies qui sont en quelque sorte des traductions, des interpretations plutot de poemes chinois contenus en memes documents. De la decoule une nouvelle ecriture poetique, au sein de laquelle surgissent des ideogrammes, qui donnent tout leur sens a l’entreprise des Cantos (quarante-neuf d’entre eux en contiennent, sur cent neuf), si l’on sait dechiffrer. Des sinologues se moquerent de Pound qui, selon l’universitaire George A.Kennedy, n’aurait truffe ces Cantos d’ideogrammes que pour leur fonction decorative, « sans signification intelligible ». Claude Miniere, en une centaine de pages precises et alertes, nous convainc du contraire : les caracteres chinois, dit-il, animent intimement, de latinomeetup france maniere suivie, la lecture entiere du long poeme Cantos ». C’est impossible de restituer en quelques mots la demarche profonde et complexe de Pound telle que Miniere l’explore dans sa dimension essentiellement musicale (il insiste avec force sur la nature sonore de cette ecriture). Signalons seulement deux pistes suivies par cet essai.
Tout d’abord Notre necessite de la pensee confuceenne.
Pound evoque celle-ci dans un essai marquant intitule « Le besoin de Confucius, maintenant ! », ou l’absence de definitions des mots a l’epoque moderne en Occident est consideree comme le en gali?re absolu. Dante ou les philosophes medievaux savaient encore l’usage des mots, « aujourd’hui l’Occident bien entier se baigne dans un egout mental, parce que le « journal du matin » tire a dix millions d’exemplaires est charge d’eveiller constamment le cerveau des occidentaux. Blablamachine marche pour 1 philosophe, Trucmuche Afin de un economiste, ainsi, une centaine de vermines de moindre envergure se faufilent au quotidien dans des kilometres carres de papier journal ». On n’insistera pas sur ce point en ces temps libre d’hysterie verbale preelectorale, ou la totalite des mots (ne serait-ce que celui de « democratie ») ont la possibilite de etre declines a toutes les sauces, sans qu’on s’attache a leur signification reelle. Pound connecte directement le « besoin de Confucius » a ce qu’il appelle la « pensee ideogrammatique ». Celle-ci revient a faire du signe 1 ensemble complexe d’elements divers, lequel pourra Realiser l’objet d’une operation de decomposition visuelle : « que le mot « rouge » que vous employez se souvienne de la rose, d’la rouille ainsi que la cerise, si vous voulez savoir de quoi vous parlez ». C’est l’aspect dynamique de l’ecriture chinoise qui captive le poete, en prise directe avec l’energie des choses. A mille lieues de la fantasmagorie verbale de l’Occident moderne (« envahi via une moisissure de livres qui n’aboutissent a pas grand chose » – on recommence en plein), les ideogrammes paraissent expression vivante du vrai.
L’acte litteraire fondateur des Cantos qui consiste a se tourner par l’ideogramme chinois n’est pas, tel le montre Miniere, seulement esthetique, Cela reste essentiellement ethique. C’est par l’operation de definition des mots que le poete retrouve une fonction sociale. En ceci les ideogrammes seront des schemes de cette operation, et les Cantos une gigantesque firme poetico-politique amenant la conscience a s’ouvrir a la totalite en realite et de l’histoire humaine. Le recours de Pound a la pensee ideogrammatique chinoise pendant les annees londoniennes donne tout le sens – pleinement social – a son ecriture poetique. Nulle fuite hors de l’epoque, bien au contraire. « L’histrionisme qu’attribuent a Ezra Pound des annees 1920 ses detracteurs, sa boulimie d’activites traduisaient beaucoup plutot une impatience dramatique devant votre que le poete americain plonge en destructions de l’Europe jugeait etre sophistications inutiles, incuries publiques, tromperies politiques et gaspillages criminels. J’ai belle connaissance selon lui devait etre des hommes, pour un accord au milieu des lois naturelles. Notre poesie devait penser ces lois, degagees du « fatras » d’la culture universitaire – et ainsi ?uvrer au beaucoup commun, a J’ai civilisation ».
Pound caractere chinois, de Claude Miniere, Gallimard, L’infini.